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Et si on dépassait la dystopie ?

Adeline Soares
Adeline Soares
Cheffe de projet éditorial
Et si on dépassait la dystopie ?
Ces dernières années, la dystopie s’est bien installée dans nos imaginaires. De Hunger Games à Squid Game, en passant par d’innombrables romans et films young adult, l’avenir qu’elle dépeint est tout sauf radieux. Cette fascination pour la fin du monde est révélatrice d’un mal-être qu’il est tout à fait sain d’exprimer, tant qu’on ne tombe pas dans le défaitisme. Alors, pour éviter le désengagement généralisé, place à l’espoir, place à l’utopie !

Pourquoi aime-t-on tant la dystopie ?

Si elles nous font voyager dans des futurs souvent très dépaysants, les histoires d’anticipation sont en premier lieu des moyens d’étudier notre société actuelle et ses dérives, et d’imaginer des avenirs possibles. Dans cette projection, deux choix sont possibles : la peur ou l’espoir, la dystopie ou l’utopie. Aujourd’hui, évidemment, entre catastrophes climatiques, montée des extrêmes, précarité et pandémie, la tentation est plutôt du côté de la peur de l’avenir.

La science-fiction dystopique ne cherche pas à nous confronter à une peur paralysante. Au contraire, elle joue un rôle nécessaire, elle nous alerte, nous choque, nourrit notre esprit critique. Dans ces histoires, c’est souvent notre inaction face à l’injustice et aux excès de nos sociétés modernes qui nous mène à la catastrophe. Devant ces images, on ne peut que ressentir un sentiment d’injustice fort. La révolte gronde dans nos veines. Pourtant, paradoxalement, on a fini par prendre plaisir à être spectateurs de ce drame qui nous guette, tout en restant résolument inactifs puisque aucune solution ne nous semble plus crédible. Sur notre canapé, nous nous complaisons dans la vision d’avenirs tout sauf désirables, mais qui semblent pourtant courus d’avance. Un sentiment d’impuissance symptomatique d’une société qui se détourne de la vie politique. Après tout, à quoi bon prendre parti puisque l’issue ne fait aucun doute ?

L’entreprise, reflet d’une société sans avenir ?

Dans ces micro-sociétés que sont les entreprises également, on a de plus en plus de mal à s’engager autour d’un projet commun, on est lassé des communications top-down qui n’appellent aucune réponse. À quoi bon s’investir ? Si cette entreprise ne nous convient pas, on en trouvera une autre. Et puis, ça ne sert à rien de vouloir changer les choses, puisque c’est partout pareil…

La pandémie de Covid-19 n’a pas vraiment arrangé les choses, puisqu’elle a obligé chacun à se concentrer sur son propre bien-être pour surmonter une crise non seulement sanitaire, mais aussi sociale, familiale, financière, personnelle… Chacun a mis en place une organisation pour gérer au mieux cette période, parfois au risque de se couper de ses collègues. Les managers ont dû, eux, composer avec les différentes organisations au sein de leur équipe, mais aussi, parfois, avec la leur. Comment penser un projet commun lorsque les projets individuels deviennent la priorité de chacun dans l’entreprise ?

Il est vital de rassembler les individualités autour d’un projet commun sous peine de voir l’engagement se déliter.

Cette question n’est en réalité pas nouvelle, mais la pandémie en a fait une priorité. Aujourd’hui, il est devenu légitime de remettre en question sa situation professionnelle si elle prend trop le pas sur la vie personnelle. Certes, la prise en compte de l’individualité de chaque employé est une avancée importante, nécessaire même, mais il est aussi vital de rassembler ces individualités autour d’un projet commun sous peine de voir l’engagement se déliter. N’oublions pas que 45 % des salariés français se déclarent en situation de détresse psychologique, tandis que 22 % pensent changer d’entreprise (étude OpinionWay, avril 2021).

Et si on osait l’utopie ?

Mais ne soyons pas défaitistes ! Une fois que la dystopie nous a alertés sur les dérives possibles de la situation actuelle, il est temps de se tourner vers l’utopie. Il y a des choses qui vont mal, on le sait. Maintenant, que fait-on pour que ça aille mieux ? Choisir l’utopie, c’est choisir l’espoir. C’est continuer à croire que les choses peuvent toujours s’améliorer et, surtout, imaginer comment. En somme, choisir l’utopie, c’est passer à l’action ! Comment ?

L’entreprise doit encourager les salariés à toujours choisir l’action plutôt que la résignation !

Dans chaque entreprise, comme dans chaque société, il y a des choses qui vont bien et d’autres qui vont moins bien, voire mal. L’engagement des salariés réside dans leur participation au projet d’entreprise. Il est donc important de les inviter à régulièrement s’exprimer sur leur vision de l’entreprise, de ses succès et de ses échecs, et de les inviter à proposer des idées pour améliorer ce qui ne va pas. Bien sûr, ces idées doivent être écoutées par la hiérarchie et prises en compte rapidement. En 2022, une entreprise ne peut plus attendre des mois avant de changer ses façons de faire. L’attente engendre la déception, la lassitude et le désengagement. À l’inverse, l’entreprise, via ses managers, doit jouer un rôle moteur dans la construction d’un projet commun. Elle doit encourager les salariés à toujours choisir l’action plutôt que la résignation !

Nourrir l’engagement par l’action commune

Aujourd’hui, l’entreprise se doit de jouer son rôle citoyen. Les salariés attendent d’elle qu’elle s’engage sur des sujets sociétaux et environnementaux, en toute transparence. Contrairement à ce que certains pourraient croire, ces engagements RSE ne sont pas destinés uniquement aux publics externes de l’entreprise. Les premiers intéressés par ces actions sont les salariés ! Ces derniers sont en demande d’une culture d’entreprise qui corresponde à leur réalité et qui se cristallise autour d’objectifs dans la réussite desquels ils sont impliqués. Le projet d’entreprise, comme la communication interne, doivent désormais être participatifs.

Le projet d’entreprise, comme la communication interne, doivent désormais être participatifs.

Pour favoriser l’engagement et la fidélisation, la communication interne a en effet un rôle primordial à jouer. Sa fonction première est d’informer les salariés sur la stratégie de l’entreprise, ses offres, ses engagements et son organisation. La connaissance étant la première étape de l’identification. Elle doit ensuite se faire le relais de la culture d’entreprise : un ton et des formats adaptés, qui adressent et incluent les différents publics. Communiquer sur les objectifs partagés permet de rappeler l’investissement de chacun, de valoriser l’implication des salariés les plus engagés.

N’oubliez pas d’interroger régulièrement l’ensemble des salariés, via des questionnaires, des sondages, voire des jeux ou des ateliers d’intelligence collective. Il est important de ne pas donner l’impression que toutes les décisions viennent d’en haut, ce qui ramènerait les salariés à l’impuissance, et donc au désengagement. Le projet d’entreprise se co-construit avec eux. Par exemple, pourquoi ne pas proposer des actions RSE participatives ? De la même façon, la communication interne doit se faire le reflet de ce projet collaboratif. Finie la communication top-down ! On veut de la transversalité, du partage d’expérience, de l’empathie. Les employés aussi ont des choses à dire.

Crédit photo : Alex Kristanas / unsplash.com